Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 10.djvu/125

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Déjà par la victoire assez bien établie ; 85
Et la noble fierté qui l’oblige à punir
Ne dissimule ici le crime qu’on oublie
Que pour ne perdre pas la gloire d’obéir.


Nancy[1].

Troie auprès de ses murs l’espace de dix ans
Vit contre elle les Dieux et les Grecs combattants, 90
Et s’arma sans trembler contre la destinée.
Grand Roi, l’on avouera que l’éclat de tes yeux
T’a fait plus remporter d’honneur, cette journée,
Que la fable en dix ans n’en fit avoir aux Dieux.


Reprise de Corbie[2].

Prends Corbie, Espagnol, prends-la, que nous importe ? 95
Tu la rends à mon roi plus puissante et plus forte
Avant qu’il en ait pu concevoir quelque ennui.
Ton bonheur sert au sien, et ta gloire à sa gloire ;
Et s’il t’a, par pitié, permis une victoire,
Ta victoire elle-même a travaillé pour lui. 100


    Princeps, fugatos undique amplexus reos.
    Idem sibi semper, expandit sinum
    Vobis faventem. Pectus huic vestrum date,
    Proceres, regendum : causa si tanturn dédit
    Audere iniqua, justa quid deinceps dabit ?

  1. Nancy, capitale de la Lorraine, se rendit le 24 septembre 1633 à l’armée royale qui l’assiégeait, et Louis XIII y fit son entrée le lendemain.
  2. Corbie, ville de Picardie, qui avait été prise par les Espagnols le 15 août 1636, fut reprise le 14 novembre suivant.