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XLVI

Sonnet perdu au jeu.

Une lettre de Corneille à l’abbé de Pure, écrite de Rouen le 9 juillet 1658, et qu’on trouvera plus loin, nous donne la date exacte de ces vers ; nous y lisons en post-scriptum : « Monsieur, je vous envoie un méchant sonnet que je perdis hier au jeu contre une femme dont le visage et la voix valent bien quelque chose. C’est une bagatelle que j’ai brouillée ce matin. Vous en aurez la première copie. Il y a un peu de vanité d’auteur dans les six derniers vers. » Ce sonnet a paru pour la première fois à la page 91 des Poésies choisies… publiées par Sercy, cinquième partie, 1660.


Je chéris ma défaite, et mon destin m’est doux,
Beauté, charme puissant des yeux et des oreilles ;
Et je n’ai point regret qu’une heure auprès de vous
Me coûte en votre absence et des soins et des veilles.

Se voir ainsi vaincu par vos rares merveilles, 5
C’est un malheur commode à faire cent jaloux ;
Et le cœur ne soupire, en des pertes pareilles,
Que pour baiser la main qui fait de si grands coups[1].

Recevez de la mienne, après votre victoire,
Ce que pourroit un roi tenir à quelque gloire, 10
Ce que les plus beaux yeux n’ont jamais dédaigné.
Je vous en rends, Iris, un juste et prompt hommage.

Hélas ! contentez-vous de me l’avoir gagné,
Sans me dérober davantage.


  1. Des si grands coups, dans l’édition de Granet.