Que te sert, ô grand Roi, cette noble contrainte ?
Partager tes drapeaux, c’est partager la crainte,
L’épandre en plus de lieux, et faire sous tes lois
Tomber plus de remparts et de peuple à la fois.
Pour t’affoiblir ainsi, tu n’en deviens pas moindre ;
Ta fortune partout sait l’art de te rejoindre :
L’effet est sûr au bras dès que ton cœur résout ;
Tu ne bats qu’une place, et tes soins vont partout :
Partout on croit te voir, partout on t’appréhende,
Et tes ordres font tout, quelque chef qui commande.
Ainsi tes pavillons à peine sont plantés,
À peine vers les murs les canons[1] sont pointés,
Que l’habitant s’effraye, et le soldat s’étonne :
Un bastion le couvre, et le cœur l’abandonne ;
Et le front menaçant de tant de boulevarts,
De tant d’épaisses tours qui flanquent ses remparts,
Tant de foudres d’airain, tant de masses de pierre,
Tant de munitions et de bouche et de guerre,
Tant de larges fossés qui nous ferment le pas,
Pour tenir quatre jours ne lui suffisent pas.
L’épouvante domine, et la molle prudence
Court au-devant du joug avec impatience
Parce tamen, Lodoice : etiam divisus, ubique
Magnus es, et spatio dum distrahis arma, timorem
Distrahis in plures, atque omnibus ingruis absens.
Aspice, vix arces fulserunt signa sub ipsas,
Primaque vicino steterunt tentoria campo,
Jamque timor cives quatit intus, et ipse fatiscit
Clausus adhuc miles. Non illi patria virtus,
Aut Cereris vis ampla, aut belli immensa supellex,
Aut vigor, aut numerus ; non vivo condita saxo
Mœnia, non plenis undantia flumina fossis
Dant animos, acuuntve : novo juvat obvia ferre
- ↑ « Tes canons, » dans les éditions du P. de la Rue et de Granet.