Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 10.djvu/325

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Je n’irai pas si loin ; et si mes quinze lustres[1]
Font encor quelque peine aux modernes illustres[2],
S’il en est de fâcheux jusqu’à s’en chagriner,
Je n’aurai pas longtemps à les importuner.
Quoi que je m’en promette, ils n’en ont rien à craindre[3] : 35
C’est le dernier éclat d’un feu prêt à s’éteindre ;
Sur le point d’expirer il tâche d’éblouir,
Et ne frappe les yeux que pour s’évanouir.
Souffre, quoi qu’il en soit, que mon âme ravie
Te consacre le peu qui me reste de vie : 40
L’offre n’est pas bien grande, et le moindre moment
Peut dispenser mes vœux de l’accomplissement.
Préviens ce dur moment par des ordres propices ;
Compte mes bons désirs comme autant de services[4].
Je sers depuis douze ans, mais c’est par d’autres bras 45
Que je verse pour toi du sang dans nos combats[5] :

    le faire interdire, et qu’il lui suffit, pour gagner contre eux sa cause, de lire aux juges un des beaux morceaux de son Œdipe à Colone.

  1. Si cette pièce, comme on pourrait le supposer d’après le titre qui lui est donné dans les Œuvres diverses de 1788, a été écrite au mois d’octobre 1676, Corneille, né le 6 juin 1606, était loin encore d’avoir quinze lustres : il n’avait achevé le quatorzième que depuis quelques mois ; nous l’avons du reste, même dans ses écrits en prose, trouvé assez peu exact en fait de dates.
  2. Racine, en 1676, avait déjà fait représenter tous les chefs-d’œuvre antérieurs à Phèdre, qui est de 1677. Iphigénie est de 1674.
  3. Var. Quoi que je me promette, ils n’en ont rien à craindre.
    (2e édition du Mercure, et Manuscrits de Gaignières et de l’Arsenal.)
  4. Ces quatre vers (41-44) : « L’offre n’est pas bien grande, etc., » manquent dans la première édition du Mercure, dans le manuscrit de l’Arsenal et dans les Diversités de Bordelon. On les trouve dans la seconde édition du Mercure et dans le manuscrit de Gaignières, avec cette variante au dernier vers :
    Compte mes bons désirs pour autant de services.
  5. Var. Que je verse pour toi du sang dans les combats.
    (Mercure, Manuscrit de l’Arsenal, et Bordelon.)