Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 10.djvu/43

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Je ne pus[1] faire aucun effort
À me retenir en balance ;
Et je sentis un changement
Par une douce violence,
Que j’eusse fait par jugement. 20

Regards brillants, clartés divines,
Qui m’avez tellement surpris ;
Œillades qui sur les esprits
Exercez si bien vos rapines ;
Tyrans secrets, auteurs puissants 25
D’un esclavage où je consens ;
Chers ennemis de ma franchise,
Beaux yeux, mes aimables vainqueurs,
Dites-moi qui vous autorise
À dérober ainsi les cœurs. 30

Que ce larcin m’est favorable !
Que j’ai sujet d’appréhender,
La conjurant de le garder,
Qu’elle me soit inexorable !
Amour, si jamais ses dédains 35
La portent à ce que je crains,
Fais qu’elle se puisse méprendre ;
Et qu’aveuglée, au lieu du mien
Qu’elle aura dessein de me rendre,
Amynte me donne le sien ! 40


  1. Je ne peux, dans l’édition originale, mais c’est évidemment pour je ne peus, c’est-à-dire : je ne pus.