Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/132

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moins savants que lui en remarqueraient bien dans les grecs, et dans son Virgile même, à qui il dresse des autels sur le mépris des autres. Je vous laisse donc à penser si notre présomption ne serait pas ridicule, de prétendre qu’une exacte censure ne pût mordre sur nos ouvrages, puisque ceux de ces grands génies de l’antiquité ne se peuvent pas soutenir contre un rigoureux examen. Je ne me suis jamais imaginé avoir mis rien au jour de parfait, je n’espère pas même y pouvoir jamais arriver ; je fais néanmoins mon possible pour en approcher, et les plus beaux succès des autres ne produisent en moi qu’une vertueuse émulation, qui me fait redoubler mes efforts afin d’en avoir de pareils :

Je vois d’un œil égal croître le nom d’autrui,
Et tâche à m’élever aussi haut comme lui,
Sans hasarder ma peine à le faire descendre.
La gloire a des trésors qu’on ne peut épuiser :
Et plus elle en prodigue à nous favoriser,
Plus elle en garde encore où chacun peut prétendre.

Pour venir à cette Suivante que je vous dédie, elle est d’un genre qui demande plutôt un style naïf que pompeux. Les fourbes et les intrigues sont principalement du jeu de la comédie ; les passions n’y entrent que par accident. Les règles des anciens sont assez religieusement observées en celle-ci. Il n’y a qu’une action principale à qui toutes les autres aboutissent ; son lieu n’a point plus d’étendue que celle du théâtre, et le temps n’en est point plus long que celui de la représentation, si vous en exceptez l’heure du dîner, qui se passe entre le premier et le second acte. La liaison même des scènes, qui n’est qu’un embellissement, et non pas un précepte, y est gardée ; et si vous prenez la peine de compter les vers,