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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/207

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Tout ce que peut le monde offrir à mes ardeurs
De mérites, d’appas, de biens et de grandeurs.

Florame.

Qu’avec des mots si doux vous m’êtes inhumaine !
Vous me comblez de joie, et redoublez ma peine.
L’effet d’un tel amour, hors de votre pouvoir,
Irrite d’autant plus mon sanglant désespoir.
L’excès de votre ardeur ne sert qu’à mon supplice.
Devenez-moi cruelle, afin que je guérisse.
Guérir ! ah ! qu’ai-je dit ? ce mot me fait horreur.
Pardonnez aux transports d’une aveugle fureur ;
Aimez toujours Florame ; et quoi qu’il ait pu dire,
Croissez de jour en jour vos feux et son martyre.
Peut-il rendre sa vie à de plus heureux coups,
Ou mourir plus content, que pour vous, et par vous ?

Daphnis.

Puisque de nos destins la rigueur trop sévère
Oppose à nos désirs l’autorité d’un père,
Que veux-tu que je fasse ? En l’état où je suis,
Etre à toi malgré lui, c’est ce que je ne puis ;
Mais je puis empêcher qu’un autre me possède,
Et qu’un indigne amant à Florame succède.
Le cœur me manque. Adieu. Je sens faillir ma voix.
Florame, souviens-toi de ce que tu me dois.
Si nos feux sont égaux, mon exemple t’ordonne
Ou d’être à ta Daphnis, ou de n’être à personne.