Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/227

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Filles que la nature a si bien partagées,
Vous devez présumer fort peu de vos attraits ;
Quelque charmants qu’ils soient, vous êtes négligées,
À moins que la fortune en rehausse les traits.
Mais encor que Daphnis eût captivé Florame,
Le moyen qu’inégal il en fût possesseur ?
Destins, pour rendre aisé le succès de sa flamme,
Fallait-il qu’un vieux fou fût épris de sa sœur ?
Pour tromper mon attente, et me faire un supplice,
Deux fois l’ordre commun se renverse en un jour ;
Un jeune amant s’attache aux lois de l’avarice,
Et ce vieillard pour lui suit celles de l’amour.
Un discours amoureux n’est qu’une fausse amorce,
Et Théante et Florame ont feint pour moi des feux ;
L’un m’échappe de gré, comme l’autre de force ;
J’ai quitté l’un pour l’autre, et je les perds tous deux.
Mon cœur n’a point d’espoir dont je ne sois séduite,
Si je prends quelque peine, une autre en a les fruits ;
Et dans le triste état où le ciel m’a réduite,
Je ne sens que douleurs, et ne prévois qu’ennuis.