Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/286

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Je n’en veux obliger pas un à me haïr,
Et ne sais qui des deux, ou servir, ou trahir.
Quoi ! je balance encor, je m’arrête, je doute[1] !
930Mes résolutions, qui vous met en déroute ?
Revenez, mes desseins, et ne permettez pas
Qu’on triomphe de vous avec un peu d’appas.
En vain pour Angélique ils prennent la querelle[2] ;
Cléandre, elle est à toi, nous sommes deux contre elle.
935Ma liberté conspire avecque tes ardeurs ;
Les miennes désormais vont tourner en froideurs ;
Et lassé de souffrir un si rude servage,
J’ai l’esprit assez fort pour combattre un visage.
Ce coup n’est qu’un effet de générosité,
940Et je ne suis honteux que d’en avoir douté.
Amour, que ton pouvoir tâche en vain de paroître !
Fuis, petit insolent, je veux être le maître :
Il ne sera pas dit qu’un homme tel que moi,
En dépit qu’il en ait, obéisse à ta loi.
945Je ne me résoudrai jamais à l’hyménée
Que d’une volonté franche et déterminée,
Et celle à qui ses nœuds m’uniront pour jamais[3]
M’en sera redevable, et non à ses attraits ;
Et ma flamme…

    De tous les deux côtés il y va de ta foi.
    À qui la tiendras-tu ? Mon esprit en déroute
    Sur le plus fort des deux ne peut sortir de doute.
    [Je n’en veux obliger pas un à me haïr.] (1637-57)

  1. Var. Mais que mon jugement s’enveloppe de nues !
    Mes résolutions, qu’êtes-vous devenues ? (1637-57)
    Var. Quoi ! je hésite encor, je balance, je doute ! (1660)
  2. Var. Cléandre, elle est à toi : dedans cette querelle,
    Angélique le perd ; nous sommes deux contre elle. (1635-57)
  3. Var. Et celle qu’en ce cas je nommerai mon mieux,
    M’en sera redevable, et non pas à ses yeux. (1637-57)