Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/370

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Nérine.

Forcez l’aveuglement dont vous êtes séduite,
Pour voir en quel état le sort vous a réduite.
Votre pays vous hait, votre époux est sans foi :
Dans un si grand revers que vous reste-t-il ?

Médée.

Dans un si grand revers que vous reste-t-il ? Moi,
Moi, dis-je, et c’est assez.

Nérine.

Moi, dis-je, et c’est assez. Quoi ! vous seule, madame ?

Médée.

Oui, tu vois en moi seule et le fer et la flamme,
Et la terre, et la mer, et l’enfer, et les cieux,
Et le sceptre des rois, et le foudre des dieux.

Nérine.

L’impétueuse ardeur d’un courage sensible
À vos ressentiments figure tout possible :
Mais il faut craindre un roi fort de tant de sujets.

Médée.

Mon père, qui l’était, rompit-il mes projets ?

Nérine.

Non ; mais il fut surpris, et Créon se défie.
Fuyez, qu’à ses soupçons il ne vous sacrifie.