dades del Cid[1] de Guillem de Castro lui servirent seulement de point de départ, et il ne parcourut les romances que pour y puiser des inspirations générales. Ces rapides études, fécondées par le génie le plus tragique qui eût jusqu’alors paru sur notre scène, produisirent un chef-d’œuvre que toutes les littératures nous envièrent. « M. Corneille, dit Fontenelle[2], avoit dans son cabinet cette pièce traduite en toutes les langues de l’Europe, hors l’esclavone et la turque : elle étoit en allemand, en anglois, en flamand ; et, par une exactitude flamande, on l’avoit rendue vers pour vers. Elle étoit en italien, et ce qui est plus étonnant, en espagnol : les Espagnols avoient bien voulu copier eux-mêmes une copie dont l’original leur appartenoit. »
Cette pièce espagnole imitée de celle de Corneille n’est autre, selon toute apparence, que l’ouvrage de Diamante intitulé : el Honrador de su padre. De cette imitation Voltaire voulut faire l’ouvrage original, celui où Guillem de Castro lui-même avait puisé le sujet de sa pièce. En 1764, dans la première édition de son commentaire, il ne s’était pas encore avisé de cette découverte ; mais le ier août de la même année il publia dans la Gazette littéraire[3] des Anecdotes sur le Cid qui commencent ainsi :
« Nous adons toujours cru que le Cid de Guillem de Castro était la seule tragédie que les Espagnols eussent donnée sur ce sujet intéressant ; cependant il y avait encore un autre Cid, qui avait été représenté sur le théâtre de Madrid avec autant de succès que celui de Guillem. L’auteur est don Juan-Bautista Diamante, et la pièce est intitulée : Comedia famosa del Cid honrador de su padre… Pour le Cid honorateur de son père, on la croit antérieure à celle de Guillem de Castro de quelques années. Cet ouvrage est très-rare, et il n’y en a peut-être pas aujourd’hui trois exemplaires en Europe. »