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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/192

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LE CID.

Laissez un champ ouvert, où n’entrera personne[1].
1435Après ce que Rodrigue a fait voir aujourd’hui,
Quel courage assez vain s’oseroit prendre à lui ?
Qui se hasarderoit contre un tel adversaire ?
Qui seroit ce vaillant, ou bien ce téméraire ?

Don Sanche.

Faites ouvrir le champ : vous voyez l’assaillant[2] ;
1440Je suis ce téméraire, ou plutôt ce vaillant.
Accordez cette grâce à l’ardeur qui me presse,
Madame : vous savez quelle est votre promesse.

Don Fernand.

Chimène, remets-tu ta querelle en sa main ?

Chimène.

Sire, je l’ai promis.

Don Fernand.

Sire, je l’ai promis.Soyez prêt à demain.

Don Diègue.

1445Non, Sire, il ne faut pas différer davantage :
On est toujours trop prêt quand on a du courage.

Don Fernand.

Sortir d’une bataille, et combattre à l’instant !

Don Diègue.

Rodrigue a pris haleine en vous la racontant.

Don Fernand.

Du moins une heure ou deux je veux qu’il se délasse[3].
1450Mais de peur qu’en exemple un tel combat ne passe,
Pour témoigner à tous qu’à regret je permets

  1. Var. Laissez un camp ouvert, où n’entrera personne. (1637-56)
  2. Var. Faites ouvrir le camp : vous voyez l’assaillant. (1637-56)
  3. « Je me suis toujours repenti d’avoir fait dire au Roi, dans le Cid, qu’il vouloit que Rodrigue se délassât une heure ou deux après la défaite des Maures avant que de combattre don Sanche : je l’avois fait pour montrer que la pièce étoit dans les vingt-quatre heures ; et cela n’a servi qu’à avertir les spectateurs de la contrainte avec laquelle je l’y ai réduite. » (Discours de la tragédie, tome I, p. 96.)