Qu’ainsi que de ta vie il y va de ta gloire,
Et que dans quelque éclat que Rodrigue ait vécu,
Quand on le saura mort, on le croira vaincu.
Ton honneur t’est plus cher que je ne te suis chère[1],
Puisqu’il trempe tes mains dans le sang de mon père[2],
Et te fait renoncer, malgré ta passion,
À l’espoir le plus doux de ma possession :
Je t’en vois cependant faire si peu de conte,
Que sans rendre combat tu veux qu’on te surmonte.
Quelle inégalité ravale ta vertu ?
Pourquoi ne l’as-tu plus, ou pourquoi l’avois-tu ?
Quoi ? n’es-tu généreux que pour me faire outrage ?
S’il ne faut m’offenser, n’as-tu point de courage ?
Et traites-tu mon père avec tant de rigueur,
Qu’après l’avoir vaincu tu souffres un vainqueur ?
Va, sans vouloir mourir, laisse-moi te poursuivre[3],
Et défends ton honneur, si tu ne veux plus vivre.
Après la mort du Comte, et les Mores défaits,
Faudroit-il à ma gloire encor d’autres effets[4] ?
Elle peut dédaigner le soin de me défendre :
On sait que mon courage ose tout entreprendre,
Que ma valeur peut tout, et que dessous les cieux,
Auprès de mon honneur, rien ne m’est précieux[5].
Non, non, en ce combat, quoi que vous veuilliez[6] croire,
Rodrigue peut mourir sans hasarder sa gloire,
Sans qu’on l’ose accuser d’avoir manqué de cœur,
- ↑ Var. L’honneur te fut plus cher que je ne te suis chère. (1637-60)
- ↑ Var. Puisqu’il trempa tes mains dans le sang de mon père,
Et te fit renoncer, malgré ta passion. (1637-56) - ↑ Var. Non, sans vouloir mourir, laisse-moi te poursuivre. (1637-56)
- ↑ Var. Mon honneur appuyé sur de si grands effets
Contre un autre ennemi n’a plus à se défendre. (1637-56) - ↑ Var. Quand mon honneur y va, rien ne m’est précieux. (1637-56)
- ↑ Le mot est écrit ainsi dans les éditions de 1637-64 ; celles de 1668 de 1682 ont veuillez sans i ; celle de 1692 donne vouliez.