Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/289

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point de raison de se séparer du reste de la famille pour commencer le second acte ; et c’est une adresse de théâtre de n’en donner aucune, quand on n’en peut donner de bonnes. L’attachement de l’auditeur à l’action présente souvent ne lui permet pas de descendre à l’examen sévère de cette justesse, et ce n’est pas un crime que de s’en prévaloir pour l’éblouir, quand il est malaisé de le satisfaire.

Le personnage de Sabine est assez heureusement inventé, et trouve sa vraisemblance aisée dans le rapport à l’histoire, qui marque assez d’amitié et d’égalité entre les deux familles pour avoir pu faire cette double alliance.

Elle ne sert pas davantage à l’action que l’Infante à celle du Cid, et ne fait que se laisser toucher diversement, comme elle, à la diversité des événements. Néanmoins on a généralement approuvé celle-ci, et condamné l’autre. J’en ai cherché la raison, et j’en ai trouvé deux. L’une est la liaison des scènes, qui semble, s’il m’est permis de parler ainsi, incorporer Sabine dans cette pièce, au lieu que, dans le Cid, toutes celles de l’Infante sont détachées, et paroissent hors œuvre :

Tantum series juncturaque pollet[1] !


L’autre, qu’ayant une fois posé Sabine pour femme d’Horace, il est nécessaire que tous les incidents de ce poëme lui donnent les sentiments qu’elle en témoigne avoir, par l’obligation qu’elle a de prendre intérêt à ce qui regarde son mari et ses frères ; mais l’Infante n’est point obligée d’en prendre aucun en ce qui touche le Cid ; et si elle a quelque inclination secrète pour lui, il n’est point besoin

  1. Horace, Art poétique, vers 242.