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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/295

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HORACE.
TRAGÉDIE.

ACTE I.


Scène première.

SABINE, JULIE.
SABINE.

Approuvez ma foiblesse, et souffrez ma douleur ;
Elle n’est que trop juste en un si grand malheur :
Si près de voir sur soi fondre de tels orages,
L’ébranlement sied bien aux plus fermes courages ;
Et l’esprit le plus mâle et le moins abattu
Ne sauroit sans désordre exercer sa vertu.
Quoique le mien s’étonne à ces rudes alarmes,
Le trouble de mon cœur ne peut rien sur mes larmes,
Et parmi les soupirs qu’il pousse vers les cieux,
Ma constance du moins règne encor sur mes yeux :
Quand on arrête là les déplaisirs d’une âme,
Si l’on fait moins qu’un homme, on fait plus qu’une femme.
Commander à ses pleurs en cette extrémité,
C’est montrer, pour le sexe, assez de fermeté.

JULIE.

C’en est peut-être assez pour une âme commune[1],

  1. Var. C’en est assez et trop pour une âme commune. (1641-56)