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ACTE III.


Scène première.

SABINE[1].

Prenons parti, mon âme, en de telles disgrâces :
Soyons femme d’Horace, ou sœur des Curiaces ;
Cessons de partager nos inutiles soins ;
Souhaitons quelque chose, et craignons un peu moins.
Mais, las ! Quel parti prendre en un sort si contraire ?
Quel ennemi choisir, d’un époux ou d’un frère ?
La nature ou l’amour parle pour chacun d’eux[2],
Et la loi du devoir m’attache à tous les deux.

Sur leurs hauts sentiments réglons plutôt les nôtres ;
Soyons femme de l’un ensemble et sœur des autres :
Regardons leur honneur comme un souverain bien ;
Imitons leur constance, et ne craignons plus rien.
La mort qui les menace est une mort si belle,
Qu’il en faut sans frayeur attendre la nouvelle.
N’appelons point alors les destins inhumains ;
Songeons pour quelle cause, et non par quelles mains ;
Revoyons les vainqueurs, sans penser qu’à la gloire
Que toute leur maison reçoit de leur victoire ;

  1. Voltaire fait ici une critique dont nous ne reproduisons les termes que parce qu’ils ont trait à l’histoire de la scène française : « Ce monologue de Sabine est, dit-il, absolument inutile, et fait languir la pièce. Les comédiens voulaient alors des monologues. La déclamation approchait du chant, surtout celle des femmes ; les auteurs avaient cette complaisance pour elles… »
  2. Var. La nature ou l’amour parlent pour chacun d’eux. (1641 et 55 A.)