Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/365

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Mes enfants avec lui conspirent contre un père :
Tous trois veulent me perdre, et s’arment sans raison
Contre si peu de sang qui reste en ma maison.

(À Sabine.)

CoToi qui par des douleurs à ton devoir contraires[1],
Veux quitter un mari pour rejoindre tes frères[2],
Va plutôt consulter leurs mânes généreux ;
Ils sont morts, mais pour Albe, et s’en tiennent heureux :
Puisque le ciel vouloit qu’elle fût asservie,
Si quelque sentiment demeure après la vie,
Ce mal leur semble moindre, et moins rudes ses coups,
Voyant que tout l’honneur en retombe sur nous ;
Tous trois désavoueront la douleur qui te touche,
Les larmes de tes yeux, les soupirs de ta bouche,
L’horreur que tu fais voir d’un mari vertueux.
Sabine, sois leur sœur, suis ton devoir comme eux.

(Au Roi.)

SaContre ce cher époux Valère en vain s’anime :
Un premier mouvement ne fut jamais un crime ;
Et la louange est due, au lieu du châtiment,
Quand la vertu produit ce premier mouvement.
Aimer nos ennemis avec idolâtrie,
De rage en leur trépas maudire la patrie,
Souhaiter à l’État un malheur infini,
C’est ce qu’on nomme crime, et ce qu’il a puni.
Le seul amour de Rome a sa main animée :
Il seroit innocent s’il l’avoit moins aimée.
Qu’ai-je dit, Sire ? il l’est, et ce bras paternel
L’auroit déjà puni s’il étoit criminel :
J’aurois su mieux user de l’entière puissance
Que me donnent sur lui les droits de la naissance ;

  1. Var. Toi qui par des douleurs à tes devoirs contraires. (1641 et 55 A.)
  2. Var. Veux quitter un mari pour rejoindre les frères. (1641 in-12)