Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/367

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Font résonner encor du bruit de ses exploits ?
Sera-ce hors des murs, au milieu de ces places
Qu’on voit fumer encor du sang des Curiaces,
Entre leurs trois tombeaux, et dans ce champ d’honneur
Témoin de sa vaillance et de notre bonheur ?
Tu ne saurois cacher sa peine à sa victoire ;
Dans les murs, hors des murs, tout parle de sa gloire,
Tout s’oppose à l’effort de ton injuste amour,
Qui veut d’un si bon sang souiller un si beau jour.
Albe ne pourra pas souffrir un tel spectacle,
Et Rome par ses pleurs y mettra trop d’obstacle[1].

(Au Roi.)

EtVous les préviendrez[2], Sire ; et par un juste arrêt
Vous saurez embrasser bien mieux son intérêt.
Ce qu’il a fait pour elle, il peut encor le faire[3] :
Il peut la garantir encor d’un sort contraire.
Sire, ne donnez rien à mes débiles ans :
Rome aujourd’hui m’a vu père de quatre enfants ;
Trois en ce même jour sont morts pour sa querelle ;
Il m’en reste encore un, conservez-le pour elle :
N’ôtez pas à ses murs un si puissant appui ;
Et souffrez, pour finir, que je m’adresse à lui.

(À Horace.)

EtHorace, ne crois pas que le peuple stupide
Soit le maître absolu d’un renom bien solide :
Sa voix tumultueuse assez souvent fait bruit ;
Mais un moment l’élève, un moment le détruit ;
Et ce qu’il contribue à notre renommée
Toujours en moins de rien se dissipe en fumée.

  1. Var. Et Rome avec ses pleurs y mettra trop d’obstacle. (1641-60)
  2. L’édition de 1682 porte vous le préviendrez, pour vous les préviendrez ; c’est sans doute une erreur.
  3. Var. Ce qu’il a fait pour elle, il le peut encor faire :
    ----Var.Il la peut garantir encor d’un sort contraire. (1641-60)