Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/373

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NOTICE.


« … Par les envieux un génie excité
Au comble de son art est mille fois monté ;
Plus on veut l’affoiblir, plus il croît et s’élance :
Au Cid persécuté Cinna doit sa naissance,


dit Boileau dans son Épître à Racine (vers 49-52). L’effort que fit le génie de Corneille pour répondre dignement à ses détracteurs, est peut-être en effet une des causes de la perfection de Cinna ; mais quel motif a porté le poëte à choisir ce sujet, à le développer avec un soin si curieux, à conseiller avec tant d’autorité la clémence au souverain et l’oubli aux conjurés ?… C’est ce qu’aucun contemporain ne nous a dit ; on en est donc réduit sur ce point aux conjectures, et, le premier, M. Édouard Fournier en a présenté tout récemment qui ont le double mérite, assez rare, d’être à la fois fort ingénieuses et très-plausibles.

« C’est en 1640 que Cinna fut joué d’abord, et c’est par conséquent en 1639 qu’il fut écrit. Or que s’était-il passé cette année-là dans la ville de Rouen, où Corneille menait la vie laborieuse et retirée que vous connaissez déjà[1] ? De sinistres événements l’avaient agitée, ainsi que toute la province dont elle était la tête et le cœur. Les habitants des campagnes, surchargés des taxes mises sur le sel, sur le cuir, et même jusque sur le pain, avaient refusé de payer.

« On avait arrêté les plus mutins ; ils en avaient appelé devant le parlement de Rouen et la cour des aides ; le parle-

  1. Voyez la Notice biographique.