Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/80

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Mais vous ne vous contentez pas de lui attribuer les deux réponses au libelle que vous désavouez : vous tâchez de lui faire des ennemis dans sa province, en expliquant la première sur une personne de haute condition que vous n’osez nommer de peur de ses ressentiments contre une explication si impertinente. Ne recourez point à cette artificieuse imposture ; je puis assurer que j’ai vu depuis deux jours écrit de sa main, qu’il n’a fait aucune des deux, et que non-seulement il ne sait qui c’est que son ami dépeint dans la première, ni de qui vous parlez dans la vôtre, mais qu’il tient même pour certain que cette réponse n’attaque personne de la province.

Pour moi je ne puis soupçonner qu’elle s’adresse à un autre qu’à vous : le galant homme dont elle est partie témoigne être particulièrement instruit de vos qualités. Il vous taxe de jeunesse : c’est de quoi vous vous vantez dans votre épître du Duc d’Ossonne[1]. Il vous accuse de manque de jugement : il ne vous fait pas grand tort ; ce seroit vous flatter s’il vous traitoit d’autre façon. Vous ne refuserez pas la compagnie du seigneur Claveret qu’il vous donne : c’est un homme à chérir, il peut faire fortune, et son horoscope lui promet beaucoup, puisque vous aspirez déjà à être un jour de ses domestiques. Sous ombre de la soie dont la poésie vous a couvert, vous voulez passer pour honnête homme d’origine : il faut de la foi pour le croire, vu qu’on sait le contraire. Il vous donne avis de vous défaire de vos belles figures : vous eussiez bien fait d’en user ; on n’eût pas vu dans votre lettre ces insolentes comparaisons de M. Corneille avec des domestiques dont vous ne nommez point le maître, et avec votre ami Claveret, qui me forcent à en faire maintenant de plus véritables, et à vous dire que celui que vous offensez s’est assis sur les fleurs de lis[2] avant que Claveret portât de manteau, et que vous n’êtes pas de meilleure maison que son valet de chambre. Il vous avoit autrefois honoré de son amitié, dont vous vous êtes montré fort indigne. On n’entend rien de plus familier en vos discours, sinon que le Cid est un

  1. « J’ai commencé de si bonne heure à faire parler de moi, qu’à ma vingt-sixième année je me trouve aujourd’hui le plus ancien de tous nos poëtes dramatiques. » Voyez encore ci-dessus, p. 60, note i.
  2. Voyez la Notice biographique, et ci-dessus, p. 10, note 3.