Secondés par l’effort d’un roi[1] plus généreux[2],
Ainsi que la justice auront le sort pour eux.
C’est là que tu verras sur la terre et sur l’onde
Le débris de Pharsale armer un autre monde ;
Et c’est là que j’irai, pour hâter tes malheurs,
Porter de rang en rang ces cendres et mes pleurs.
Je veux que de ma haine ils reçoivent des règles,
Qu’ils suivent au combat des urnes au lieu d’aigles ;
Et que ce triste objet porte en leur souvenir[3]
Les soins de le venger, et ceux de te punir.
Tu veux à ce héros rendre un devoir suprême :
L’honneur que tu lui rends rejaillit sur toi-même ;
Tu m’en veux pour témoin : j’obéis au vainqueur ;
Mais ne présume pas toucher par là mon cœur.
La perte que j’ai faite est trop irréparable ;
La source de ma haine est trop inépuisable :
À l’égal de mes jours je la ferai durer ;
Je veux vivre avec elle, avec elle expirer.
Je t’avouerai pourtant, comme vraiment Romaine,
Que pour toi mon estime est égale à ma haine ;
Que l’une et l’autre est juste, et montre le pouvoir,
L’une de ta vertu, l’autre de mon devoir[4] ;
Que l’une est généreuse, et l’autre intéressée,
Et que dans mon esprit l’une et l’autre est forcée.
Tu vois que ta vertu, qu’en vain on veut trahir[5],
Me force de priser ce que je dois haïr :
Juge ainsi de la haine où mon devoir me lie ;
La veuve de Pompée y force Cornélie.
J’irai, n’en doute point, au sortir de ces lieux,
Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/112
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