Aller au contenu

Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/126

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Que pour rendre à jamais ses vertus mémorables,
Puisque les secourir est le plus digne emploi
Où se puisse arrêter la vertu d’un grand roi.
Qu’il imite en cela les puissances suprêmes,
Dont les rois ici-bas tiennent les diadèmes,
Qui voyant les méchants accabler la vertu,
Relèvent aussitôt ce qu’ils ont abattu :
C’est ce que la nature et le droit vous commandent,
Ce que l’affection et la pitié demandent ;
Et puisque notre bien autorise ces lois,
Obligeons nos amis, et nous tous à la fois ;
Joignons nos intérêts avecque leur fortune :
Aussi bien le ciel veut qu’elle nous soit commune.
Je vois bien que les Dieux ont ce point arrêté,
Et qu’on ne peut forcer cette nécessité.
Mais pourquoi la forcer ? puisque cette entreprise
Nous est utile autant qu’elle les favorise ;
Que leur donnant moyen de rentrer au combat,
Nous assurons le trône et conservons l’État,
Ou l’augmentons plutôt, puisqu’après la victoire
Ayant part au bonheur, aussi bien qu’à la gloire,
Nous verrons que plusieurs de leurs peuples soumis
Deviendront nos sujets cessant d’être ennemis ?
C’est ce qu’il faut attendre et croire de Pompée,
Sans que notre espérance en puisse être trompée ;
Et je crois après tout que c’est se rendre heureux,
Que de faire plaisir à des cœurs généreux.
Et puis le traitement qu’en reçut votre père
Ne veut pas qu’en ceci votre esprit délibère.
Où pensez-vous trouver des sentiments plus sains ?
Il faut courre sans guide en de si beaux desseins ;
Et puisque de lui seul vous tenez la couronne,
Vous voyez clairement ce que le ciel ordonne.
En conservant l’État, il le fit comme sien ;
En demandant l’entrée, il demande son bien.
Qu’on équipe soudain, et qu’on aille avec joie
Recevoir le présent que le ciel nous envoie.
Ce qu’il falloit chercher au bout de l’univers
Se vient offrir à nous : que nos ports soient ouverts,
Que nos cœurs soient de même, et que ces braves princes
Entrent dans nos esprits comme dans nos provinces.
Rome vous en conjure, et votre Égypte en pleurs
Appréhende pour soi, regardant ses malheurs ;
Votre peuple pour eux implore votre grâce,
Qui le peut garantir d’une telle menace.

ACHILLAS.

Je crois que nos avis tendent à mêmes fins :
Mais ils tiennent pourtant de différents chemins.