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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/240

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De Lucrèce, en un mot vous la pouvez connoître…

GÉRONTE.

Dis vrai : je la connois, et ceux qui l’ont fait naître ;
Son père est mon ami.

DORANTE.

Son père est mon ami.Mon cœur en un moment
Étant de ses regards charmé si puissamment,
1565Le choix que vos bontés avoient fait de Clarice,
Sitôt que je le sus, me parut un supplice ;
Mais comme j’ignorois si Lucrèce et son sort
Pouvoient avec le vôtre avoir quelque rapport,
Je n’osai pas encor vous découvrir la flamme
1570Que venoient ses beautés d’allumer dans mon âme[1] ;
Et j’avois ignoré, Monsieur, jusqu’à ce jour
Que l’adresse d’esprit fût un crime en amour[2].
Mais si je vous osois demander quelque grâce,
À présent que je sais et son bien et sa race,
1575Je vous conjurerois, par les nœuds les plus doux
Dont l’amour et le sang puissent m’unir à vous,
De seconder mes vœux auprès de cette belle :
Obtenez-la d’un père, et je l’obtiendrai d’elle.

GÉRONTE.

Tu me fourbes encor.

DORANTE.

Tu me fourbes encor.Si vous ne m’en croyez,
1580Croyez-en pour le moins Cliton que vous voyez :
Il sait tout mon secret.

GÉRONTE.

Il sait tout mon secret.Tu ne meurs pas de honte

  1. Var. [Que venoient ses beautés d’allumer dans mon âme ;]
    Et vous oyois parler d’un ton si résolu,
    Que je craignis sur l’heure un pouvoir absolu :
    Ainsi donc, vous croyant d’une humeur inflexible,
    Pour rompre cet hymen, je le fis impossible ;
    [Et j’avois ignoré, Monsieur, jusqu’à ce jour.] (1644 in-4o)
  2. Var. Que la dextérité fût un crime en amour. (1644-64)