Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/43

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Serve à sa liberté de sépulcre ou d’appui,
Et relève sa chute, ou trébuche sous lui.
C’est de quoi, mes amis, nous avons à résoudre.
Il apporte en ces lieux les palmes ou la foudre :
35S’il couronna le père, il hasarde le fils[1] ;
Et nous l’ayant donnée, il expose Memphis.
Il faut le recevoir, ou hâter son supplice[2],
Le suivre, ou le pousser dedans le précipice.
L’un me semble peu sûr, l’autre peu généreux,
40Et je crains d’être injuste et[3] d’être malheureux.
Quoi que je fasse enfin, la fortune ennemie
M’offre bien des périls, ou beaucoup d’infamie :
C’est à moi de choisir, c’est à vous d’aviser
À quel choix vos conseils doivent me disposer[4].
45Il s’agit de Pompée, et nous aurons la gloire
D’achever de César ou troubler la victoire ;
Et je puis dire enfin que jamais potentat[5]
N’eut à délibérer d’un si grand coup d’État.

PHOTIN.

Seigneur, quand par le fer les choses sont vidées[6],
50La justice et le droit sont de vaines idées ;
Et qui veut être juste en de telles saisons,
Balance le pouvoir, et non pas les raisons.
Voyez donc votre force, et regardez Pompée,
Sa fortune abattue et sa valeur trompée.
55César n’est pas le seul qu’il fuie en cet état :
Il fuit et le reproche et les yeux du sénat,
Dont plus de la moitié piteusement étale

  1. Var. S’il couronne le père, il hasarde le fils. (1648-56)
  2. Var. Il faut ou recevoir ou hâter son supplice. (1644-56)
  3. Dans l’édition de 1692, ou a été substitué à et.
  4. Var. À quel choix vos conseils me doivent disposer. (1644-68)
  5. Var. Et jamais potentat n’a vu sous le soleil
    Matière plus illustre agiter son conseil. (1644-56)
  6. Var. Sire, quand par le fer les choses sont vidées. (1644-63)