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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/456

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Je le veux éclaircir, et vous mieux éclairer,
Afin de vous apprendre à me considérer.
Je ne le cèle point ; j’aime, Carlos, oui, j’aime ;
Mais l’amour de l’état, plus fort que de moi-même,
Cherche, au lieu de l’objet le plus doux à mes yeux,
Le plus digne héros de régner en ces lieux ;
Et craignant que mes feux osassent me séduire,
J’ai voulu m’en remettre à vous pour m’en instruire.
Mais je crois qu’il suffit que cet objet d’amour
Perde le trône et moi sans perdre encore le jour ;
Et mon cœur qu’on lui vole en souffre assez d’alarmes,
Sans que sa mort pour moi me demande des larmes.

CARLOS

Ah ! Si le ciel tantôt me daignait inspirer
En quel heureux amant je vous dois révérer,
Que par une facile et soudaine victoire…

DONA ISABELLE

Ne pensez qu’à défendre et vous et votre gloire.
Quel qu’il soit, les respects qui l’auraient épargné
Lui donneraient un prix qu’il aurait mal gagné ;
Et céder à mes feux plutôt qu’à son mérite
Ne serait que me rendre au juge que j’évite.
Je n’abuserai point du pouvoir absolu,
Pour défendre un combat entre vous résolu ;
Je blesserais par là l’honneur de tous les quatre :
Les lois vous l’ont permis, je vous verrai combattre ;
C’est à moi, comme reine, à nommer le vainqueur.
Dites-moi, cependant, qui montre plus de cœur ?
Qui des trois le premier éprouve la fortune ?

CARLOS

Don Alvar.