Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/532

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Et vers moi tout l’effort de son autorité
N’agit que par prière et par civilité.

Attale. Non ; mais agir ainsi, souvent c’est beaucoup dire
Aux reines comme vous qu’on voit dans son empire :
Et si ce n’est assez des prières d’un roi,
Rome, qui m’a nourri, vous parlera pour moi.

Nicomède. Rome, seigneur !

Attale. Oui, Rome. En êtes-vous en doute ?

Nicomède. Seigneur, je crains pour vous qu’un Romain vous écoute ;
Et si Rome savait de quels feux vous brûlez,
Bien loin de vous prêter l’appui dont vous parlez,
Elle s’indignerait de voir sa créature
A l’éclat de son nom faire une telle injure ;
Et vous dégraderait peut-être dès demain
Du titre glorieux de citoyen romain.
Vous l’a-t-elle donné pour mériter sa haine
En le déshonorant par l’amour d’une reine ?
Et ne savez-vous plus qu’il n’est princes ni rois
Qu’elle daigne égaler à ses moindres bourgeois ?
Pour avoir tant vécu chez ces cœurs magnanimes,
Vous en avez bientôt oublié les maximes.
Reprenez un orgueil digne d’elle et de vous ;
Remplissez mieux un nom sous qui nous tremblons tous ;
Et, sans plus l’abaisser à cette ignominie
D’idolâtrer en vain la reine d’Arménie,
Songez qu’il faut du moins, pour toucher votre cœur,
La fille d’un tribun, ou celle d’un préteur ;