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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/562

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latter,
Qu’ici je ne la dois ni la veux écouter.

Flaminius. Et je vous parle aussi, dans ce péril extrême.
Moins en ambassadeur qu’en homme qui vous aime,
Et qui, touché du sort que vous vous préparez,
Tache à rompre le cours des maux où vous courez.
J’ose donc, comme ami, vous dire en confidence
Qu’une vertu parfaite a besoin de prudence,
Et doit considérer, pour son propre intérêt,
Et les temps où l’on vit, et les lieux où l’on est :
La grandeur de courage en une âme royale
N’est sans cette vertu qu’une vertu brutale,
Que son mérite aveugle et qu’un faux jour d’honneur
Jette en un tel divorce avec le vrai bonheur,
Qu’elle-même se livre à ce qu’elle doit craindre,
Ne se fait admirer que pour se faire plaindre,
Que pour nous pouvoir dire, après un grand soupir,
« J’avais droit de régner et n’ai su m’en servir. »
Vous irritez un roi dont vous voyez l’armée
Nombreuse, obéissante, à vaincre accoutumée.
Vous êtes en ses mains, vous vivez dans sa cour.

Laodice. Je ne sais si l’honneur eut jamais un faux jour,
Seigneur ; mais je veux bien vous répondre en amie.
Ma prudence n’est pas tout à fait endormie ;
Et, sans examiner par quel destin jaloux
La grandeur de courage est si mal avec vous,
Je veux vous faire voir que celle que j’étale
N’est pas tant qu’il vous semble une vertu brutale ;
Que si j’ai droit au trône elle s’en veut servir,
Et sait bien repousser qui me le veut ravir.