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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/579

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Que ce nom seul l’oblige à me persécuter :
Car enfin hors de là que peut-il m’imputer ?
Ma voix, depuis dix ans qu’il commande une armée,
A-t-elle refusé d’enfler sa renommée ?
Et, lorsqu’il l’a fallu puissamment secourir,
Que la moindre longueur l’aurait laissé périr,
Quel autre a mieux pressé les secours nécessaires ?
Qui l’a mieux dégagé de ses destins contraires ?
A-t-il eu près de vous un plus soigneux agent
Pour hâter les renforts et d’hommes et d’argent ?
Vous le savez, seigneur ; et pour reconnaissance,
Après l’avoir servi de toute ma puissance,
Je vois qu’il a voulu me perdre auprès de vous.
Mais tout est excusable en un amant jaloux,
Je vous l’ai déjà dit.

Prusias. Ingrat ! que peux-tu dire ?

Nicomède. Que la reine a pour moi des bontés que j’admire.
Je ne vous dirai point que ces puissants secours
Dont elle a conservé mon honneur et mes jours,
Et qu’avec tant de pompe à vos yeux elle étale,
Travaillaient par ma main à la grandeur d’Attale ;
Que par mon propre bras elle amassait pour lui,
Et préparait dès lors ce qu’on voit aujourd’hui.
Par quelques sentiments qu’elle ait été poussée,
J’en laisse le ciel juge ; il connaît sa pensée ;
Il sait pour mon salut comme elle a fait des vœux ;
Il lui rendra justice, et peut-être à tous deux.
Cependant, puisqu’enfin l’apparence est si belle,
Elle a parlé pour moi, je dois parler pour elle,
Et, pour son intérêt, vous faire souvenir
Que vous laissez longtemps deux méchants à punir.
Envoyez Métrobate et Zenon au supplice.