Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/585

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Me voyez-vous pour l’autre y renoncer moi-même ?
Que cédai-je à mon frère en cédant vos Etats ?
Ai-je droit d’y prétendre avant votre trépas ?
Pardonnez-moi ce mot, il est fâcheux à dire.
Mais un monarque enfin comme un autre homme expire ;
Et vos peuples alors, ayant besoin d’un roi,
Voudront choisir peut-être entre ce prince et moi.
Seigneur, nous n’avons pas si grande ressemblance,
Qu’il faille de bons yeux pour y voir différence ;
Et ce vieux droit d’aînesse est souvent si puissant,
Que pour remplir un trône il rappelle un absent.
Que si leurs sentiments se règlent sur les vôtres,
Sous le joug de vos lois j’en ai bien rangé d’autres ;
Et, dussent vos Romains en être encor jaloux,
Je ferai bien pour moi ce que j’ai fait pour vous.

Prusias. J’y donnerai bon ordre.

Nicomède. Oui, si leur artifice
De votre sang par vous se fait un sacrifice :
Autrement vos Etats à ce prince livrés
Ne seront en ses mains qu’autant que vous vivrez.
Ce n’est point en secret que je vous le déclare,
Je le dis à lui-même, afin qu’il s’y prépare ;
Le voilà qui m’entend.

Prusias. Va, sans verser mon sang,
Je saurai bien, ingrat ! l’assurer en ce rang ;
Et demain…
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