À te rendre le sceptre, ou prendre encore ta vie ;
Et plus l’ambition trouble ce grand effort,
Plus ceux de ma vertu me refusent ta mort.
Mais c’est trop retenir ma vertu prisonnière :
Je lui dois comme à toi liberté toute entière ;
Et mon ambition a beau s’en indigner,
Cette vertu triomphe, et tu t’en vas régner.
Milan, revois ton prince, et reprends ton vrai maître,
Qu’en vain pour t’aveugler j’ai voulu méconnoître ;
Et vous que d’imposteur à regret j’ai traité…
Ah ! c’est porter trop loin la générosité.
Rendez-moi Rodelinde, et gardez ma couronne,
Que pour sa liberté sans regret j’abandonne :
Avec ce cher objet tout destin m’est trop doux.
Et je vous remettrois toute la Lombardie,
Si comme dans Milan je régnois dans Pavie.
Mais vous n’ignorez pas, Seigneur, que le feu Roi
En fit reine Édüige ; et lui donnant ma foi,
Je promis…
Ton exemple m’oblige encore plus à la rendre ;
Et je mériterois un nouveau changement,
Si mon cœur n’égaloit celui de mon amant.
Son exemple, ma sœur, en vain vous y convie.
Avec ce grand héros je vous laisse Pavie,
Et me croirois moi-même aujourd’hui malheureux,
Si je voyois sans sceptre un bras si généreux.