Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/113

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1815Je vois donc malgré moi ma victoire asservie
À te rendre le sceptre, ou prendre encore ta vie ;
Et plus l’ambition trouble ce grand effort,
Plus ceux de ma vertu me refusent ta mort.
Mais c’est trop retenir ma vertu prisonnière :
1820Je lui dois comme à toi liberté toute entière ;
Et mon ambition a beau s’en indigner,
Cette vertu triomphe, et tu t’en vas régner.
Milan, revois ton prince, et reprends ton vrai maître,
Qu’en vain pour t’aveugler j’ai voulu méconnoître ;
1825Et vous que d’imposteur à regret j’ai traité…

PERTHARITE.

Ah ! c’est porter trop loin la générosité.
Rendez-moi Rodelinde, et gardez ma couronne,
Que pour sa liberté sans regret j’abandonne :
Avec ce cher objet tout destin m’est trop doux.

GRIMOALD.

1830Rodelinde et Milan et mon cœur sont à vous ;
Et je vous remettrois toute la Lombardie,
Si comme dans Milan je régnois dans Pavie.
Mais vous n’ignorez pas, Seigneur, que le feu Roi
En fit reine Édüige ; et lui donnant ma foi,
Je promis…

ÉDÜIGE, à Grimoald.

1835Je promis…Si ta foi t’oblige à la défendre,
Ton exemple m’oblige encore plus à la rendre ;
Et je mériterois un nouveau changement,
Si mon cœur n’égaloit celui de mon amant.

PERTHARITE, à Édüige.

Son exemple, ma sœur, en vain vous y convie.
1840Avec ce grand héros je vous laisse Pavie,
Et me croirois moi-même aujourd’hui malheureux,
Si je voyois sans sceptre un bras si généreux.