Tout menaçoit en elle, et des restes de sang
Par un prodige affreux lui dégouttoient du flanc[1].
À ce terrible aspect la reine s’est troublée,
La frayeur a couru dans toute l’assemblée,
Et de vos deux amants j’ai vu les cœurs glacés[2]
À ces funestes mots que l’ombre a prononcés :
« Un grand crime impuni cause votre misère ;
Par le sang de ma race il se doit effacer[3] ;
Mais à moins que de le verser,
Le ciel ne se peut satisfaire ;
Et la fin de vos maux ne se fera point voir
Que mon sang n’ait fait son devoir. »
Ces mots dans tous les cœurs redoublent les alarmes ;
L’ombre, qui disparaît, laisse la Reine en larmes,
Thésée au désespoir, Æmon tout hors de lui ;
Le roi même arrivant partage leur ennui ;
Et d’une voix commune ils refusent une aide
Qui fait trouver le mal plus doux que le remède.
Peut-être craignent-ils que mon cœur révolté
Ne leur refuse un sang qu’ils n’ont pas mérité ;
Mais ma flamme à la mort m’avait trop résolue,
Pour ne pas y courir quand les Dieux l’ont voulue.
Tu m’as fait sans raison concevoir de l’effroi ;
Je n’ai point dû trembler, s’ils ne veulent que moi.
Ils m’ouvrent une porte à sortir d’esclavage,
Que tient trop précieuse un généreux courage :
Mourir pour sa patrie est un sort plein d’appas