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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/263

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EXAMEN.

autorisé à changer la fin ordinaire de cette fable, pour la rendre plus surprenante et plus merveilleuse. Je l’aurois été assez par la liberté qu’en donne la poésie en de pareilles rencontres ; mais j’ai cru en avoir encore plus de droit en marchant sur les pas d’un autre, que si j’avois inventé ce changement.

C’est avec un fondement semblable que j’ai introduit Absyrte en âge d’homme, bien que la commune opinion n’en fasse qu’un enfant, que Médée déchira par morceaux. Ovide et Sénèque le disent[1] ; mais Apollonius Rhodius le fait son aîné ; et si nous voulons l’en croire, Aætes l’avoit eu d’Astérodie avant qu’il épousât la mère de cette princesse, qu’il nomme Idye, fille de l’Océan[2]. Il dit de plus qu’après la fuite des Argonautes, la vieillesse d’Aætes ne lui permettant pas de les poursuivre, ce prince monta sur mer, et les joignit autour d’une île située à l’embouchure du Danube, et qu’il appelle Peucé[3]. Ce fut là que Médée, se voyant perdue avec tous ces Grecs, qu’elle voyoit trop foibles pour lui résister, feignit de les vouloir trahir ; et ayant attiré ce frère trop crédule à conférer avec elle de nuit dans le temple de Diane, elle le fit tomber dans une embuscade de Jason, où il fut tué. Valérius Flaccus dit les mêmes choses d’Absyrte que cet auteur grec[4] ; et c’est sur l’autorité de l’un

    ments que Noël Conti cite sous le nom d’Argonautiques sont d’une époque postérieure à celle de l’écrivain à qui ils sont attribués.

  1. Voyez le commencement du livre VII des Métamorphoses d’Ovide, la ixe élégie du livre III des Tristes, vers 5 et suivants, et le Ve acte de la Médée de Sénèque, vers 911 et 912. Au vers 54 du livre VII des Métamorphoses, Ovide fait dire à Médée : Frater adhuc infans, « mon frère encore enfant. »
  2. Voyez le livre Ier du poëme grec d’Apollonius de Rhodes, intitulé les Argonautiques, vers 241 et suivants.
  3. Voyez ibidem, livre IV, vers 303 et suivants.
  4. Voyez la fin du VIIIe livre des Argonautiques de Valérius