Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/273

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Cent rois en sortiront, dont la gloire immortelle
Fera trembler sous toi l’univers étonné,
Et dans tout l’avenir sur leur front couronné
Portera l’image fidèle
De celui qu’elle t’a donné. 100

Ce dieu dont le pouvoir suprême
Étouffe d’un coup d’œil les plus vieux différends,
Ce dieu par qui l’amour plaît à la vertu même,
Et qui borne souvent l’espoir des conquérants,
Le blond et pompeux Hyménée 105
Prépare en ta faveur l’éclatante journée
Où sa main doit briser mes fers.
Ces monstres insolents dont je suis prisonnière,
Prisonniers à leur tour au fond de leurs enfers,
Ne pourront mêler d’ombre à sa vive lumière. 110
À tes cantons les plus déserts
Je rendrai leur beauté première ;
Et dans les doux torrents d’une allégresse entière
Tu verras s’abîmer tes maux les plus amers.

Tu vois comme déjà ces deux hautes puissances, 115
Que Mars sembloit plonger en d’immortels discords[1],
Ont malgré ses fureurs assemblé sur tes bords
Les sublimes intelligences
Qui de leurs grands États meuvent les vastes corps[2].
Les surprenantes harmonies 120
De ces miraculeux génies
Savent tout balancer, savent tout soutenir.
Leur prudence étoit due à cet illustre ouvrage,
Et jamais on n’eût pu fournir,
Aux intérêts divers de la Seine et du Tage, 125

  1. Var. Que Mars sembloit plonger en d’éternels discords. (Dessein.)
  2. Mazarin, et don Louis de Haro, ministre de Philippe IV depuis l’an 1644.