Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/288

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Scène III

AÆTE, ABSYRTE, MÉDÉE, JASON, PÉLÉE, IPHITE, ORPHÉE, Argonautes.
Aæte.

Guerriers par qui mon sort devient digne d’envie,
Héros à qui je dois et le sceptre et la vie,
Après tant de bienfaits et d’un si haut éclat, 455
Voulez-vous me laisser la honte d’être ingrat ?
Je ne vous fais point d’offre ; et dans ces lieux sauvages
Je ne découvre rien digne de vos courages :
Mais si dans mes États, mais si dans mon palais
Quelque chose avoit pu mériter vos souhaits, 460
Le choix qu’en auroit fait cette valeur extrême
Lui donneroit un prix qu’il n’a pas de lui-même ;
Et je croirois devoir à ce précieux choix
L’heur de vous rendre un peu de ce que je vous dois.

Jason.

Si nos bras, animés par vos destins propices, 465
Vous ont rendu. Seigneur, quelques foibles services,
Et s’il en est encore, après un sort si doux,
Que vos commandements puissent vouloir de nous,
Vous avez en vos mains un trop digne salaire,
Et pour ce qu’on a fait et pour ce qu’on peut faire ; 470
Et s’il nous est permis de vous le demander…

Aæte.

Attendez tout d’un roi qui veut tout accorder :
J’en jure le dieu Mars, et le Soleil mon père ;
Et me puisse à vos yeux accabler leur colère,
Si mes serments pour vous n’ont de si prompts effets, 475
Que vos vœux dès ce jour se verront satisfaits !

Jason.

Seigneur, j’ose vous dire, après cette promesse,