Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/314

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en la nature y sert de Termes. L’éléphant, le rhinocérot[1], le lion, l’once, les tigres, les léopards, les panthères, les dragons, les serpents, tous avec leurs antipathies à leurs pieds, y lancent des regards menaçants. Une grotte obscure borne la vue, au travers de laquelle l’œil ne laisse pas de découvrir un éloignement merveilleux que fait la perspective. Quatre monstres ailés et quatre rampants enferment Hypsipyle, et semblent prêts à la dévorer.



Scène première

AÆTE, JASON.
Aæte.

Je vous devois assez pour vous donner Médée, 1020
Jason ; et si tantôt vous l’aviez demandée,
Si vous m’aviez parlé comme vous me parlez,
Vous auriez obtenu le bien que vous voulez.
Mais en est-il saison au jour d’une conquête
Qui doit faire tomber mon trône ou votre tête ? 1025
Et vous puis-je accepter pour gendre, et vous chérir,
S’il vous faut dans une heure ou me perdre ou périr ?
Prétendre à la toison par l’hymen de ma fille,
C’est pour m’assassiner s’unir à ma famille ;
Et si vous abusez de ce que j’ai promis, 1030
Vous êtes le plus grand de tous mes ennemis.
Je ne m’en puis dédire, et le serment me lie.
Mais si tant de périls vous laissent quelque vie,
Après avoir perdu ce roi que vous bravez,
Allez porter vos vœux à qui vous les devez : 1035
Hypsipyle vous aime, elle est reine, elle est belle ;
Fuyez notre vengeance, et régnez avec elle.

Jason.

Quoi ? parler de vengeance, et d’un œil de courroux
Voir l’immuable ardeur de m’attacher à vous !

  1. Cette orthographe, conforme au radical grec de ce mot, est celle de toutes les éditions anciennes, y compris celle de 1692.