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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/40

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PERTHARITE

La régler par votre ordre, et croire avec respect
130Tout ce qu’il vous plaira d’un entretien suspect.

RODELINDE.

Le secret n’est pas grand qu’aisément on devine,
Et l’on peut croire alors tout ce qu’on s’imagine.
Oui, Madame, son maître a de fort mauvais yeux ;
Et s’il m’en pouvoit croire, il en useroit mieux.

ÉDÜIGE.

135Il a beau s’éblouir alors qu’il vous regarde,
Il vous échappera si vous n’y prenez garde.
Il lui faut obéir, tout amoureux qu’il est,
Et vouloir ce qu’il veut, quand et comme il lui plaît.

RODELINDE.

Avez-vous reconnu par votre expérience
140Qu’il faille déférer à son impatience ?

ÉDÜIGE.

Vous ne savez que trop ce que c’est que sa foi.

RODELINDE.

Autre est celle d’un comte, autre celle d’un roi ;
Et comme un nouveau rang forme une âme nouvelle,
D’un comte déloyal il fait un roi fidèle.

ÉDÜIGE.

145Mais quelquefois, Madame, avec facilité
On croit des maris morts qui sont pleins de santé ;
Et lorsqu’on se prépare aux seconds hyménées,
On voit par leur retour des veuves étonnées.

RODELINDE.

Qu’avez-vous vu, Madame, ou que vous a-t-on dit ?

ÉDÜIGE.

150Ce mot un peu trop tôt vous alarme l’esprit.
Je ne vous parle pas de votre Pertharite ;
Mais il se pourra faire enfin qu’il ressuscite,
Qu’il rende à vos désirs leur juste possesseur ;
Et c’est dont je vous donne avis en bonne sœur.