Rendez-vous à vous-même ; et s’il vous peut venir
De notre amour passé quelque doux souvenir,
Si ce doux souvenir peut avoir quelque force…
Quoi ? vous pourriez m’aimer après un tel divorce,
Seigneur, et recevoir de ma légèreté
Ce que vous déroba tant d’infidélité ?
N’attendez point, Madame, ici que je vous die
Que je ne vous impute aucune perfidie ;
Que mon peu de mérite et mon trop de malheur
Ont seuls forcé Carthage à forcer votre cœur ;
Que votre changement n’éteignit point ma flamme,
Et que si j’ai porté la guerre en vos États,
Vous étiez la conquête où prétendoit mon bras.
Quand le temps est trop cher pour le perdre en paroles,
Toutes ces vérités sont des discours frivoles :
Il faut ménager mieux ce moment de pouvoir.
Demain Lélius entre ; il le peut dès ce soir :
Avant son arrivée assurez votre empire.
Je vous aime, Madame, et c’est assez vous dire.
Je n’examine point quels sentiments pour moi
Me rendront les effets d’une première foi :
Que votre ambition, que votre amour choisisse ;
L’opprobre est d’un côté, de l’autre Massinisse.
Il faut aller à Rome ou me donner la main :
Ce grand choix ne se peut différer à demain,
Le péril presse autant que mon impatience ;
Et quoi que mes succès m’offrent de confiance,
Avec tout mon amour, je ne puis rien pour vous,
: « cette hyménée ; » le masculin, qui est la leçon de la première édition, a été rétabli par Thomas Corneille.