Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/57

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Et sachez commander, si vous priez en vain.
Que sert ce grand pouvoir qui suit le diadème,
560Si l’amant couronné n’en use pour soi-même ?
Un roi n’est pas moins roi pour se laisser charmer,
Et doit faire obéir qui ne veut pas aimer.

GRIMOALD.

Porte, porte aux tyrans tes damnables maximes :
Je hais l’art de régner qui se permet des crimes.
565De quel front donnerois-je un exemple aujourd’hui
Que mes lois dès demain puniroient en autrui ?
Le pouvoir absolu n’a rien de redoutable
Dont à sa conscience un roi ne soit comptable.
L’amour l’excuse mal, s’il règne injustement,
570Et l’amant couronné doit n’agir qu’en amant.

GARIBALDE.

Si vous n’osez forcer, du moins faites-vous craindre :
Daignez, pour être heureux, un moment vous contraindre ;
Et si l’offre d’Unulphe en reçoit des mépris,
Menacez hautement de la mort de son fils[1].

GRIMOALD.

575Que par ces lâchetés j’ose me satisfaire !

GARIBALDE.

Si vous n’osez parler, du moins laissez-nous faire :
Nous saurons vous servir, Seigneur, et malgré vous.
Prêtez-nous seulement un moment de courroux,
Et permettez après qu’on l’explique et qu’on feigne
580Ce que vous n’osez dire, et qu’il faut qu’elle craigne.
Vous désavouerez tout. Après de tels projets,
Les rois impunément dédisent leurs sujets.

GRIMOALD.

Sachons ce qu’il a fait avant que de résoudre[2]
Si je dois en tes mains laisser gronder ce foudre.

  1. Var. Menacez-la, Seigneur, de la mort de son fils. (1653-56)
  2. Var. Sachons qu’a fait Unulphe, avant que de résoudre. (1653-56)