Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/590

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OTHON.

15Ceux qu’on voit s’étonner de ce nouvel amour
N’ont jamais bien conçu ce que c’est que la cour.
Un homme tel que moi jamais ne s’en détache ;
Il n’est point de retraite ou d’ombre qui le cache ;
Et si du souverain la faveur n’est pour lui,
20Il faut, ou qu’il périsse, ou qu’il prenne un appui.
Quand le monarque agit par sa propre conduite,
Mes pareils sans péril se rangent à sa suite :
Le mérite et le sang nous y font discerner ;
Mais quand le potentat se laisse gouverner[1],
25Et que de son pouvoir les grands dépositaires
N’ont pour raison d’État que leurs propres affaires[2],
Ces lâches ennemis de tous les gens de cœur
Cherchent à nous pousser avec toute rigueur,
À moins que notre adroite et prompte servitude
30Nous dérobe aux fureurs de leur inquiétude.
 Sitôt que de Galba le sénat eut fait choix,
Dans mon gouvernement j’en établis les lois,
Et je fus le premier qu’on vit au nouveau prince
Donner toute une armée et toute une province[3]:
35Ainsi je me comptois de ses premiers suivants.
Mais déjà Vinius avoit pris les devants ;
Martian l’affranchi, dont tu vois les pillages,
Avoit avec Lacus fermé tous les passages :
On n’approchoit de lui que sous leur bon plaisir.
40J’eus donc pour m’y produire un des trois à choisir.
Je les voyois tous trois se hâter sous un maître
Qui, chargé d’un long âge, a peu de temps à l’être[4],

  1. Var. Mais quand ce potentat se laisse gouverner. (1665)
  2. Var. N’ont pour raisons d’État que leurs propres affaires. (1665-68)
  3. La Lusitanie, dont Othon était alors gouverneur. Voyez Tacite, Histoires, Livre I, chapitre xiii, et Plutarque, Vie de Galba, chapitre xx.
  4. « D’avides esclaves dévoraient à l’envi une fortune soudaine, et se