Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/593

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Et ce seroit tous trois les attirer sur moi,
Qu’aspirer sans leur ordre à recevoir sa foi.
Surtout de Vinius le sensible courage
90Feroit tout pour me perdre après un tel outrage,
Et se vengeroit même à la face des dieux,
Si j’avois sur Camille osé tourner les yeux.

ALBIN.

Pensez-y toutefois : ma sœur est auprès d’elle ;
Je puis vous y servir ; l’occasion est belle ;
95Tout autre amant que vous s’en laisseroit charmer ;
Et je vous dirois plus, si vous osiez l’aimer.

OTHON.

Porte à d’autres qu’à moi cette amorce inutile ;
Mon cœur, tout à Plautine, est fermé pour Camille.
La beauté de l’objet, la honte de changer,
100Le succès incertain, l’infaillible danger,
Tout fait à tes projets d’invincibles obstacles.

ALBIN.

Seigneur, en moins de rien il se fait des miracles :
À ces deux grands rivaux peut-être il serait doux
D’ôter à Vinius un gendre tel que vous ;
105Et si l’un par bonheur à Galba vous propose…
Ce n’est pas qu’après tout j’en sache aucune chose :
Je leur suis trop suspect pour s’en ouvrir[1] à moi ;
Mais si je vous puis dire enfin ce que j’en croi,
Je vous proposerois, si j’étais en leur place.

OTHON.

110Aucun d’eux ne fera ce que tu veux qu’il fasse ;
Et s’ils peuvent jamais trouver quelque douceur
À faire que Galba choisisse un successeur,
Ils voudront par ce choix[2] se mettre en assurance,

  1. L’édition de 1692 a remplacé s’en ouvrir par s’en fier, et au vers suivant, ce que j’en croi par ce que je croi.
  2. On lit : « sur ce choix », dans l’édition de 1692, et au vers suivant : n’en proposeroient, pour n’en proposeront.