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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/595

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ACTE I, SCÈNE II.

Lacus et Martian vous auroient peu souffert ;
Il faut à votre tour rompre un coup qui me perd[1],
Et qui[2], si votre cœur ne s’arrache à Plautine,
Vous enveloppera tous deux en ma ruine.

OTHON.

135Dans le plus doux espoir de mes vœux acceptés,
M’ordonner que je change ! Et vous-même !

VINIUS.

M’ordonner que je change ! Et vous-même ! Écoutez.
L’honneur que nous feroit votre illustre hyménée
Des deux que j’ai nommés tient l’âme si gênée,
Que jusqu’ici Galba, qu’ils obsèdent tous deux,
140A refusé son ordre à l’effet de nos vœux.
L’obstacle qu’ils y font vous peut montrer sans peine
Quelle est pour vous et moi leur envie et leur haine ;
Et qu’aujourd’hui, de l’air dont nous nous regardons[3],
Ils nous perdront bientôt si nous ne les perdons.
145C’est une vérité qu’on voit trop manifeste ;
Et sur ce fondement, seigneur, je passe au reste.
Galba, vieil et cassé, qui se voit sans enfants,
Croit qu’on méprise en lui la foiblesse des ans,
Et qu’on ne peut aimer à servir sous un maître
150Qui n’aura pas loisir de le bien reconnoître.
Il voit de toutes parts du tumulte excité :
Le soldat en Syrie est presque révolté ;

  1. Dans l’édition de 1692 : « Rompre ce qui me perd. » Ici encore Voltaire a gardé le vrai texte de Corneille.
  2. Par une singulière erreur, toutes les éditions publiées du vivant de Corneille, excepté celle de 1666, donnent Et que, pour Et qui. Quatre vers plus loin, les impressions de 1668 et de 1682 portent : « que vous feroit », pour « que nous feroit ».
  3. L’édition de 1692 a changé dont nous nous regardons en que nous nous regardons ; et sept vers plus loin, qui n’auront pas loisir en Qui n’aura pas le temps. Voltaire a adopté cette dernière correction. L’édition de 1682 avait aussi ajouté l’article, mais en laissant loisir, ce qui fait un vers faux : « Qui n’aura pas le loisir ».