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PERTHARITE

Ce que je veux de toi porte le caractère
880D’une vertu plus haute et digne de te plaire.
Tes offres n’ont point eu d’exemples jusqu’ici[1],
Et ce que je demande est sans exemple aussi ;
Mais je veux qu’il te donne une marque infaillible
Que l’intérêt d’un fils ne me rend point sensible,
885Que je veux être à toi sans le considérer,
Sans regarder en lui que craindre ou qu’espérer.

GRIMOALD.

Madame, achevez donc de m’accabler de joie.
Par quels heureux moyens faut-il que je vous croie ?
Expliquez-vous, de grâce, et j’atteste les cieux
890Que tout suivra sur l’heure un bien si précieux.

RODELINDE.

Après un tel serment j’obéis et m’explique.
Je veux donc d’un tyran un acte tyrannique :
Puisqu’il en veut le nom, qu’il le soit tout à fait ;
Que toute sa vertu meure en un grand forfait,
895Qu’il renonce à jamais aux glorieuses marques
Qui le mettoient au rang des plus dignes monarques ;
Et pour le voir méchant, lâche, impie, inhumain,
Je veux voir ce fils même immolé de sa main.

GRIMOALD.

Juste ciel !

RODELINDE.

Juste ciel !Que veux-tu pour marque plus certaine
900Que l’intérêt d’un fils n’amollit point ma haine,
Que je me donne à toi sans le considérer,
Sans regarder en lui que craindre ou qu’espérer ?
Tu trembles, tu pâlis, il semble que tu n’oses
Toi-même exécuter ce que tu me proposes !
905S’il te faut du secours, je n’y recule pas,

  1. Var. Tes offres n’ont point eu d’exemple jusqu’ici. (1653-63)