Je ne m’en défends point, et mon esprit jaloux
Cherche tous les moyens de l’éloigner de vous.
Je ne vous saurois voir entre les bras d’un autre ;
Mon amour, si c’est crime, a l’exemple du vôtre.
Que ne faites-vous point pour obliger le Roi
À quitter Rodelinde, et vous rendre sa foi ?
Est-il rien en ces lieux que n’ait mis en usage
L’excès de votre ardeur ou de votre courage ?
Pour être tout à vous, j’ai fait tous mes efforts ;
Mais je n’ai point encore fait revivre les morts.
J’ai dit des vérités dont votre cœur murmure ;
Mais je n’ai point été jusques à l’imposture,
Et je n’ai point poussé des sentiments si beaux
Jusqu’à faire sortir les ombres des tombeaux[1].
Ce n’est point mon amour qui produit Pertharite :
Ma flamme ignore encore cet art qui ressuscite ;
Et je ne vois en elle enfin rien à blâmer,
Sinon que je trahis, si c’est trahir qu’aimer.
De quel front et de quoi cet insolent m’accuse ?
D’un mauvais artifice et d’une foible ruse.
Votre dessein, Madame, était mal concerté :
On ne m’a point surpris quand on s’est présenté[2].
Vous m’aviez préparé vous-même à m’en défendre,
Et me l’ayant promis, j’avois lieu de l’attendre.
Consolez-vous pourtant, il a fait son effet :
Je suis à vous, Madame, et j’y suis tout à fait.
Si je vous ai trahie, et si mon cœur volage
Vous a volé longtemps un légitime hommage,
Si pour un autre objet le vôtre en fut banni,
Les maux que j’ai soufferts m’en ont assez puni.