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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/180

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ATTILA.

ACTE V.



Scène PREMIÈRE.

ARDARIC, VALAMIR.
(Ils n’ont point d’épée l’un ni l’autre[1].)
ARDARIC.

Seigneur, vos devins seuls ont causé notre perte :
Par eux à tous nos maux la porte s’est ouverte ;
Et l’infidèle appas de leur prédiction1455
A jeté trop d’amorce à notre ambition[2].
C’est de là qu’est venu cet amour politique
Que prend pour attentat un orgueil tyrannique.
Sans le flatteur espoir d’un avenir si doux,
Honorie auroit eu moins de charmes pour vous.1460
C’est par là que vos yeux la trouvent adorable,
Et que vous faites naître un amour véritable,
Qui l’attachant à vous excite des fureurs
Que vous voyez passer aux dernières horreurs.
À moins que je vous perde, il faut que je périsse ;1465
On vous fait même grâce, ou pareille injustice :
Ainsi vos seuls devins nous forcent de périr,
Et ce sont tous les droits qu’ils vous font acquérir.

VALAMIR.

Je viens de les quitter ; et loin de s’en dédire,
Ils assurent ma race encor du même empire.1470

  1. Dans Voltaire : « ni l’un ni l’autre. »
  2. Var. A jeté trop d’amorce à votre ambition. (1668)