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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/219

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DOMITIE.

Hélas ! plus je le vois, moins je sais que lui dire.
Je l’aime, et le dédaigne ; et n’osant m’attendrir,
Je me veux mal des maux que je lui fais souffrir.


Scène II.

DOMITIAN, DOMITIE, ALBIN, PLAUTINE.
DOMITIAN.

Faut-il mourir, madame ? et si proche du terme,
Votre illustre inconstance est-elle encor si ferme,
Que les restes d’un feu que j’avais cru si fort
160Puissent dans quatre jours se promettre ma mort[1] ?

DOMITIE.

Ce qu’on m’offre, Seigneur, me feroit peu d’envie,
S’il en coûtoit à Rome une si belle vie ;
165Et ce n’est pas un mal qui vaille en soupirer
Que de faire une perte aisée à réparer.

DOMITIAN.

Aisée à réparer ! Un choix qui m’a su plaire,
Et qui ne plaît pas moins à l’Empereur mon frère,
Charme-t-il l’un et l’autre avec si peu d’appas
170Que vous sachiez leur prix[2], et le mettiez si bas ?

DOMITIE.

Quoi qu’on ait pour soi-même ou d’amour ou d’estime,
Ne s’en croire pas trop n’est pas faire un grand crime.
Mais n’examinons point en cet excès d’honneur
Si j’ai quelque mérite, ou n’ai que du bonheur.
175Telle que je puis être, obtenez-moi d’un frère.

  1. Voyez ci-dessus la Notice, p. 191 et 192.
  2. Les éditions publiées du vivant de Corneille (1671-82) portent leur prix, corrigé par l’édition de 1692 en son prix. Voltaire a gardé leur.