Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/259

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

BÉRÉNICE.

Quelle est l’occasion qui le fait assembler ?

PHILON.

1110L’occasion n’a rien qui vous doive troubler ;
Et ce n’est qu’à dessein de pourvoir aux dommages
Que du Vésuve ardent ont causés[1] les ravages[2] ;
Mais Domitie aura des amis, des parents,
Qui pourront bien après vous mettre sur les rangs.

BÉRÉNICE.

1115Quoi que sur mes destins ils usurpent d’empire,
Je ne vois pas leur maître en état d’y souscrire.
Philon, laissons-les faire : ils n’ont qu’à me bannir
Pour trouver hautement l’art de me retenir.
Contre toutes leurs voix je ne veux qu’un suffrage,
1120Et l’ardeur de me nuire achèvera l’ouvrage.
Ce n’est pas qu’en effet la gloire où je prétends
N’offre trop de prétexte aux esprits mécontents :
Je ne puis jeter l’œil sur ce que je suis née
Sans voir que de périls suivront cet hyménée.
1125Mais pour y parvenir s’il faut trop hasarder,
Je veux donner le bien que je n’ose garder ;
Je veux du moins, je veux ôter à ma rivale
Ce miracle vivant, cette âme sans égale :
Qu’en dépit des Romains, leur digne souverain,
1130S’il prend une moitié, la prenne de ma main ;
Et pour tout dire enfin, je veux que Bérénice
Ait une créature en leur impératrice.
Je vois Domitian. Contre tous leurs arrêts
Il n’est pas malaisé d’unir nos intérêts.

  1. Toutes les éditions anciennes, y compris celles de Thomas Corneille (1692) et de Voltaire (1764), donnent causé, sans accord.
  2. Quædam sub eo fortuita ac tristia acciderunt : ut conflagratio Vesevi montis in Campania. (Suétone, Titus, chapitre VIII.) Cette éruption de 79 est celle qui détruisit Herculanum, Pompeies et Stabies, et dont Pline l’Ancien fut victime.