Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/477

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Et Cassius[1] pour Rome avoir le même emploi[2].
Je vis de ces États l’orgueilleuse puissance
D’Artabase à l’envi mendier l’assistance,
Ces deux grands intérêts partager votre cour,
40Et des ambassadeurs prolonger le séjour.

EURYDICE.

Tous deux, ainsi qu’au Roi, me rendirent visite,
Et j’en connus bientôt le différent mérite.
L’un, fier et tout gonflé d’un vieux mépris des rois,
Sembloit pour compliment nous apporter des lois ;
45L’autre, par les devoirs d’un respect légitime,
Vengeoit le sceptre en nous de ce manque d’estime.
L’amour s’en mêla même ; et tout son entretien
Sembla m’offrir son cœur, et demander le mien.
Il l’obtint ; et mes yeux, que charmoit sa présence,
50Soudain avec les siens en firent confidence.
Ces muets truchements surent lui révéler
Ce que je me forçois à lui dissimuler ;
Et les mêmes regards qui m’expliquoient sa flamme
S’instruisoient dans les miens du secret de mon âme.
55Ses vœux y rencontroient d’aussi tendres desirs :
Un accord imprévu confondoit nos soupirs,
Et d’un mot échappé la douceur hasardée
Trouvoit l’âme en tous deux toute persuadée.

ORMÈNE.

Cependant est-il roi, Madame ?

EURYDICE.

Cependant est-il roi, Madame ?Il ne l’est pas ;
60Mais il sait rétablir les rois dans leurs États.

  1. Le questeur Cassius était un des principaux officiers de Crassus ; il est nommé plusieurs fois dans Plutarque : voyez la Vie de Crassus, chapitres xviii et xxii.
  2. Thomas Corneille (1692) et Voltaire (1964) ont remplacé l’infinitif par l’imparfait : « avoit le même emploi. »