Hélas ! j’avois prévu les maux de cette guerre,
Et n’avois pas compté parmi ses noirs succès
Le funeste bonheur que me gardoit la paix.
Les deux rois l’ont conclue[1], et j’en suis la victime :
On m’amène épouser un prince magnanime ;
Car son mérite enfin ne m’est point inconnu,
Et se feroit aimer d’un cœur moins prévenu ;
Mais quand ce cœur est pris et la place occupée,
Des vertus d’un rival en vain l’âme est frappée :
Tout ce qu’il a d’aimable importune les yeux ;
Et plus il est parfait, plus il est odieux.
Cependant j’obéis, Ormène : je l’épouse,
Et de plus…
Qu’auriez-vous de plus ?
Je suis jalouse.
Jalouse ! Quoi ? pour comble aux maux dont je vous plains…
Orode fait venir la princesse sa fille ;
Et s’il veut de mon bien enrichir sa famille,
S’il veut qu’un double hymen honore un même jour,
Conçois mes déplaisirs : je t’ai dit mon amour.
C’est bien assez, ô ciel ! que le pouvoir suprême
Me livre en d’autres bras aux yeux de ce que j’aime :
Ne me condamne pas à ce nouvel ennui
De voir tout ce que j’aime entre les bras d’autrui.
- ↑ Plutarque mentionne ce traité : « Hyrodes, dit-il, auoit desia fait appointement et alliance auec Artabazes le roy d’Armenie, » (Vie de Crassus, chapitre xxxiii.) Mais, comme nous l’avons déjà remarqué (ci-dessus, p. 462, note 5), il s’agissait du mariage de la sœur, et non de la fille d’Artabase, avec Pacorus.