Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/484

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PALMIS.

N’irritons point vos maux, et changeons d’entretien.
200Je sais votre secret, sachez aussi le mien.
Vous n’êtes pas la seule à qui la destinée
Prépare un long supplice en ce grand hyménée :
Le prince…

EURYDICE.

Le prince…Au nom des Dieux, ne me le nommez pas :
Son nom seul me prépare à plus que le trépas.

PALMIS.

Un tel excès de haine !

EURYDICE.

205Un tel excès de haine !Elle n’est que trop due
Aux mortelles douleurs dont m’accable sa vue.

PALMIS.

Eh bien ! ce prince donc, qu’il vous plaît de haïr,
Et pour qui votre cœur s’apprête à se trahir,
Ce prince qui vous aime, il m’aimoit.

EURYDICE.

Ce prince qui vous aime, il m’aimoit.L’infidèle !

PALMIS.

210Nos vœux étaient pareils, notre ardeur mutuelle :
Je l’aimois.

EURYDICE.

Je l’aimois.Et l’ingrat brise des nœuds si doux !

PALMIS.

Madame, est-il des cœurs qui tiennent contre vous ?
Est-il vœux ni serments qu’ils ne vous sacrifient ?
Si l’ingrat me trahit, vos yeux le justifient,
215Vos yeux qui sur moi-même ont un tel ascendant…

EURYDICE.

Vous demeurez à vous, Madame, en le perdant ;
Et le bien d’être libre aisément vous console
De ce qu’a d’injustice un manque de parole ;