Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/495

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EURYDICE.

Je ferois ce que font les cœurs obéissants,
Ce que veut mon devoir, ce qu’attend votre flamme,
Ce que je fais enfin.

PACORUS.

Ce que je fais enfin.Vous feriez plus, Madame :
475Vous me feriez justice, et prendriez plaisir
À montrer que nos cœurs ne forment qu’un desir.
Vous me diriez sans cesse : « Oui, prince, je vous aime,
Mais d’une passion comme la vôtre extrême ;
Je sens le même feu, je fais les mêmes vœux ;
480Ce que vous souhaitez est tout ce que je veux ;
Et cette illustre ardeur ne sera point contente,
Qu’un glorieux hymen n’ait rempli notre attente. »

EURYDICE.

Pour vous tenir, Seigneur, un langage si doux,
Il faudroit qu’en amour j’en susse autant que vous.

PACORUS.

485Le véritable amour, dès que le cœur soupire,
Instruit en un moment de tout ce qu’on doit dire.
Ce langage à ses feux n’est jamais importun,
Et si vous l’ignorez, vous n’en sentez aucun.

EURYDICE.

Suppléez-y, Seigneur, et dites-vous vous-même
490Tout ce que sent un cœur dès le moment qu’il aime ;
Faites-vous-en pour moi le charmant entretien :
J’avouerai tout, pourvu que je n’en dise rien.

PACORUS.

Ce langage est bien clair, et je l’entends sans peine.
Au défaut de l’amour, auriez-vous de la haine ?
495Je ne veux pas le croire, et des yeux si charmants…

EURYDICE.

Seigneur, sachez pour vous quels sont mes sentiments.
Si l’amitié vous plaît, si vous aimez l’estime,